Il paraît que nous sommes en guerre…Jupiter Ier l’a déclaré solennellement et depuis 1 an ½, nous suspendons nos respirations face à l’ennemi : un virus ! Il faudrait vraiment que nous soyons des champions d’apnée pour penser que nous arriverons ainsi à lui échapper.
En recherchant des notes je suis tombée sur ce texte que j’ai écrit avant le délire ambiant. Il reste d’actualité lorsque je constate avec désolation que la peur, l’ignorance, le déni restent encore et toujours d’actualité. Mépris des autres, certitudes affichée sur les plateaux TV et totale incohérence de nos politiques. Alors je vous livre humblement ce texte qui peut-être rappellera à certain que l’humanité est aussi capable de grandeur et d’abnégation.
J’espère que ce texte éclairera les jeunes générations de « biffins » pour qu’ils sachent que leurs grands-pères eux aussi ont eu à faire face à l’ignorance imbécile des « élites » qui sacrifient sans état d’âme leur vie et leur honneur. Que surtout vous ne vous dressiez pas face à la colère qui gronde mais que vous soyez des éléments de justesse et d’honneur.
Depuis des années il est de bon ton de parler des enfants de la guerre. Les générations de nos parents et de nos grands parents. Le devoir de mémoire fait la une des journaux et enlumine les discours des politiques.La victimologie prend place dans la kyrielle des nouvelles spécialités de médecine afin de soutenir tous ceux qui sont à l’heure actuelle les victimes des catastrophes, accidents ou actes de terrorisme. (et depuis peu des vaccins…)
Pourtant certains d’entre nous vivent avec au fond du cœur et de l’âme et dans le silence des blessures toujours ouvertes : nous, les enfants des guerriers.Nous avons entre 60 et 70 ans, nos pères ont fait trois guerres sur trois théâtres d’opération : la guerre de 40, la guerre d’Indochine puis celle d’Algérie. Pour tous ceux de notre âge, nous sommes les enfants des « salauds » qui ont voulu sauver les « colonies ». Nous, nous sommes les enfants sacrifiés pour une nation et des valeurs.
C’est pour tous ceux et toutes celles qui, comme moi, sont fils et filles de soldats, qu’ils soient encore là ou déjà morts, que je veux dire combien nous sommes fiers mais aussi douloureux de ce passé. Comment vivre dans un monde qui pense que rien n’est pire que la guerre quand nous sommes les héritiers de ceux et celles qui ont fait le choix d’en faire leur métier ? Comment vivre dans un monde qui pense que tout doit être acheté, acquis alors que nous savons qu’à chaque instant la folie meurtrière peut se déchaîner ? Comment vivre au milieu de ceux qui ne savent plus dans leur tête ou dans leur corps combien la peur de mourir rend les hommes superbes ou lâches ?
D’ailleurs que veulent dire encore ces mots quand on se traite de couille molle ou de salope pour une simple broutille. Nous, enfants de guerriers, nous sommes inadaptés à ce monde qui ne sait plus qu’il doit sa survie à la folie, au courage, à l’inconscience de nos pères. Pour une baisse de niveau à l’école, après un divorce, lorsqu’on est sportif de haut niveau, après un accident, un deuil, une pléiade de psys aident les victimes ou leurs familles à supporter les chocs émotionnels. Qui nous a aidé, nous, lorsqu’on annonçait la mort ou la blessure, qui nous a expliqué, soutenu quand on vivait dans la terreur des attentats ?
Bien sur il n’est pas question de remettre en cause le soutien et l’aide que l’on peut apporter à ceux qui souffrent. Simplement donner une voix à celles et ceux qui sans prendre part à la guerre l’ont vécue pourtant au quotidien. Nos pères ont servi la France. Mais que veut dire encore servir dans un monde de prédateurs ? Ils ne l’ont fait ni pour le pouvoir, ni pour l’argent. Simplement pour l’honneur. Nous avons voulu oublier, nous n’avons pas pu dire combien nous étions fiers d’eux puisqu’au retour dans notre mère patrie nos pères étaient montrés du doigt : vaincus et décriés. Ils avaient voulu défendre au loin une France coloniale. Lorsque les dockers des ports français font la grève par peur de la privatisation et de la perte de leurs privilèges, combien d’entre vous savent qu’ils ont aussi fait la grève pendant la guerre d’Indochine en refusant d’embarquer les vivres et les munitions nécessaires aux combattants ? Lorsque les profs font la grève pour leurs acquis, comment expliquer les humiliations et la douleur apportées par leurs réflexions méprisantes et leurs partialités dans les cours d’histoire. Nous n’avons jamais dit combien nous avons été trahis par cette France que nos pères défendaient. Qui sommes-nous, enfants des guerriers, tiraillés entre le mépris pour nos concitoyens et la fierté pour ce pays que nos pères nous ont appris à aimer parfois jusqu’à la mort ? Sommes-nous définitivement dépassés, vagues souvenirs d’une époque révolue ? Ou au contraire mémoires vivantes de ce que jamais, plus jamais nous ne devons faire vivre à nos enfants. Témoins silencieux de la trahison des politiques ? Témoins silencieux aussi de ce que l’homme peut avoir de pire et de meilleur. Déphasés certainement, stupéfaits par l’hypocrisie et l’inconscience de nos concitoyens mais heureux de savoir que nos pères, ces guerriers sont allés au bout de leur idéal.
Saurons-nous les imiter dans cette période absurde ou continuerons-nous à avoir peur d’un virus au point de sacrifier économie, vie et santé sur l’autel de la sécurité à tout prix.
Je vous pose en guise de conclusion un message écrit par mon père … en 1960
Et si l’on remplace le mot armée par médecine, finance, droit etc., n’est-ce pas une violente critique du monde qui hélas n’a fait que continuer à avancer sur cette pente mortifère.
Il y a, dit-on, un malaise dans l’Armée. Mais y a-t-il encore une Armée ? N’est-elle pas morte au fil des jours entre le devoir, ce devoir quotidien de pacification contre des peuples que l’on comprenait si bien dans leurs desseins et leurs aspirations, et les impératifs de cette politique (qui donnait des ordres) et qui ne faisait que camoufler la dernière réaction capitaliste du monde occidental européen.
N’est-elle pas morte aussi de la veulerie et de l’arrivisme effréné de ses chefs pour lesquels ne comptaient que les bilans, ces sacro-saints bilans qui ouvraient droit aux médailles et à l’avancement, même s’ils n’étaient acquis que fallacieusement sur de pauvres harkis ou fellahs irresponsables et victimes eux-mêmes de la terreur des hommes de la nuit.
N’est-elle pas morte de la fatigue de ses cadres, tendus comme des cordes de guitare par des années de danger, des années qui réduisaient au fil des jours le nombre des amis, tombés pour rien, cependant que leurs familles s’élevaient loin d’eux, tant bien que mal, et que le pays se foutaient de leur combat, ce combat que le pays cependant leur ordonnait à travers ses représentants, les élus du peuple. N’est-elle pas morte sur cette terre d’Afrique que le pouvoir lui commander de garder en engageant à ses côtés des auxiliaires du pays alors qu’ils savaient que l’abandon était leur seul but.
Officiers, sous-officiers, soldats, harkis fidèles, amis de la France, pour quel idéal êtes-vous morts après le 19 septembre 1960, pour quel grand dessein ?
Celui-là qui donnait les ordres et seul pouvait répondre, portera pour jamais le poids de ces morts et le deuil de l’Armée.
Celui-là seul pourra dire : « J’ai tué l’Armée dont j’étais le chef et dont j’étais issu ».