Grosse tempête en Bretagne ! Alors je me balade en virtuel. Et je « tombe » sur plusieurs vidéos d’Ema Krusi autour de la naissance intitulées Faux Départ. Vous les trouverez sur emakrusi.com
Formée à la sophrologie, j’ai accompagné de nombreuses femmes durant leur grossesse et au moment de l’accouchement. Et surtout, j’ai accouché deux fois. Étudiante en médecine, mes accouchements ont été « programmés » et « calibrés » selon les normes en vigueur en 1977 et 1980. Déclenchés, formatés bref médicalisés.
Comme toutes les femmes de ma génération j’ai entendu les messages « bienveillants » : Accoucher c’est douloureux et dangereux. Donc il faut être secondées de professionnels et bien sûr « aidées » par des traitements.
Je ne remets pas en cause l’importance d’une prise en soin médicalisée dans certains cas, je suis seulement profondément touchée en réalisant à quel point j’ai remis ma puissance personnelle en pause face aux exigences médicales. A fortiori durant mes deux enfantements. Je ne peux pas dire que j’ai de mauvais souvenirs parce que je n’ai pas de souvenir. Je n’étais pas anesthésiée pourtant. Je n’étais tout simplement pas « avec moi », dans mon « corps accouchant ». J’étais peur de mal faire, de mettre nos bébés en danger, qu’ils soient anormaux… et le fait que j’étais en stage en réanimation néonatale n’arrangeait rien.
Très curieusement pendant toutes les années qui ont suivi, j’ai passé mon temps à défendre les patient(e)s face à l’autoritarisme de mes confrères mais je n’avais pas réalisé à quel point j’étais impuissante par rapport à la prise en charge de ma propre santé. La formation médicale, je devrais dire le formatage durant nos études, accentué par nos stages hospitaliers, nous dissocie totalement de nos sensations, perceptions et émotions. Ce qui est important c’est d’appliquer correctement les protocoles pour « ouvrir » le parapluie.
Il aura fallu une maladie pour que tout ce que j’avais vu appliqué aux patients m’atteigne aussi et qu’enfin je me redresse et dise NON. Et qu’alors je réalise (aux deux sens du terme : faire et comprendre) ma puissance personnelle. Pendant mes années d’exercice j’ai offert cet espace de liberté aux patients en écoutant attentivement ce qu’ils ressentaient et répondu à toutes leurs questions, sans jugement et dans le respect de leur libre arbitre. Pourtant je n’osais pas m’opposer au discours normatif de mes confrères. Je ne me sentais pas légitime face à leur savoir autoritaire.
Pourquoi livrer cette prise de conscience maintenant et en public ? Aucun exhibitionnisme dans ces propos. Juste l’évidence face à la situation sanitaire actuelle. Le constat est terrible, surtout pour un médecin : nous avons abandonné notre puissance de santé et l’avons délégué aux « experts » et à Big Pharma. Et moi, médecin j’ai négligé cette puissance trop souvent, portée par les meilleures intentions du monde : vouloir soulager la souffrance et protéger à tout prix. Mais surtout piégée, pour les patients comme pour moi, par la croyance mortifère que je n’avais pas les moyens de connaître mon corps et ses besoins, et que cette connaissance ne pouvait venir que de l’extérieur. Cette croyance qui vous susurre à l’oreille qu’un corps en bonne santé est silencieux et que s’il nous « parle » c’est forcément qu’il est « malade » et donc qu’il a besoin de traitements.
Face à la violence dont j’étais l’objet, le NON m’a fait passer de la connaissance à la co-naissance. Je suis enfin née à moi-même, à la confiance, à ma puissance. Et je peux témoigner que le chemin vers cette naissance fût douloureux (et le reste). Se dresser face à mes confrères, face à tout ce que j’avais appris, face à ceux qui avaient peur pour moi, face à mes doutes, n’aurait pas été possible sans le soutien de mes proches, l’accueil de ma vulnérabilité, et, du fait de ma double appartenance (médecin et patiente), de la prise de conscience du besoin de reconnaissance des professionnels du soin. Nous voulons être « récompensés » des prises en charge de la souffrance du patient, être reconnus pour avoir « sauvé » la personne.
Contrairement à ce que veulent nous faire croire nos politiques et technocrates, la médecine n’est pas morte, c’est le système de soin qui s’effondre de trop de mensonges, d’abus et de peur. Mensonges à soi-même que l’on soit professionnels du soin ou patients, abus des deux côtés et bien entendu peur du soignant comme du patient. Tant que nous confondons les soins avec la santé, que nous voulons sauver les personnes de la mort et donc que nous opposons la mort à la vie (c’est la naissance qui est l’opposé de la mort), tant que nous dénigrons le mystère que nous sommes (à nos propres yeux comme à ceux des autres), nous nous soumettons à l’autorité extérieure, quelle qu’elle soit et nous perdons notre puissance personnelle à être en santé. Notre puissance de Je Suis.